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vendredi 13 janvier 2017

Piece by piece / Melaka / Malaysia / nov-dec 2016


Quand je dis aux gens que je rencontre que j'ai passé quasiment 1 mois à Malacca, ils sont souvent très surpris.
"1 month! Wouah!"
En effet, pas qu'il y ait rien à faire à  Malacca, mais c'est vrai que c'est une petite ville, et on en a vite fait le tour. En 2 jours tu peux explorer tout le centre, et en 4-5 jours avoir vu tout ce qu'il y a à voir. Si tu es en mode touriste avec checklist. Ce qui est loin d'être mon cas.

Alors pourquoi autant de temps ?
Tout simplement parce que j'en avais besoin, de prendre le temps. Mais ça j'en ai déjà parlé. 
Mais ça a totalement changé mon voyage, et l'optique dans lequel je le faisais. Persuadée d'y rester pour 8-10 jours (la où l'année dernière je ne suis pas restée plus d'une semaine au même endroit), j'y ai appris qu'au final, c'est pas le temps que tu passes à faire ou à voir qui compte. 

Ce qui compte, c'est l'échange.


En fait, la mosaïque était toute indiquée. L'occasion s'est présentée par hasard. Une simple affiche dans l'entrée de la guesthouse. Pourquoi pas après tout? J'ai le temps et pas bien plus à faire. 

Je me demande aujourd'hui si, en fait de hasard, ce n'est pas notre propre instinct qui nous pousse vers ce dont on a naturellement besoin. Il suffit des fois simplement de l'écouter, de s'écouter, de le suivre et se laisser porter.
J'étais perdue, un peu brisée, et ça m'a aidé, ils m'ont aidé, à me reconstruire. 
Morceaux par morceaux. 


Je m'aperçois qu'en fin de compte, j'ai trouvé mes meilleures guesthouses à l'arrache. Sans me soucier d'un quelconque guide ou site de réservation.
"You looking for a dorm?" Yes! How much? Can I have a look?
Parfois, la façon de dire Hello, un simple sourire franc, sincère et amical, suffit à me convaincre que j'ai trouvé l'endroit que je cherchais. Une atmosphère, une lumière particulière. 
L'instinct ... encore et toujours


Commencer par l'habituelle litanie: pays d'origine, pedigree voyagistique, prénom. Puis, après quelques jours, on parle un peu plus de soi, on en apprend un peu plus sur les autres. On prend ses petites habitudes, et le simple fait que John sache que vous préférez votre œuf sunny plutôt que fried est réconfortant. 
C'est pas la maison, et ça n'y ressemblera jamais, mais ça met du baume au cœur.





Commencer par des choses simples, basiques. Faire du remplissage, apprendre tout doucement à trouver le morceau qui ira au bon endroit.


Petit à petit tu gagnes en confiance, en assurance. Et ça doit se sentir, car les autres aussi te font confiance. Ils apprennent à te connaître, ils peuvent deviner de quoi tu es capable, pour peu que tu veuilles bien en dévoiler.
L'un ne va pas sans l'autre ...
Du simple remplissage, on évolue vers des formes un peu plus dessinées. 


Guillaume et Eric
Bowno

L'avantage d'une activité comme la mosaïque, c'est que ça demande beaucoup de concentration tout en permettant à l'esprit de divaguer à loisir.
Est-ce que ça serait à rapprocher de la méditation? Sans doute, peut-être. Je n'en sais rien. Je n'ai jamais à proprement parler fait de méditation. 
Tout en se concentrant sur une tâche, non pas rébarbative, mais qui demande beaucoup d'application, les pensées vont et viennent. Elles suivent leurs cours, elles sont plus facilement formulées, identifiées, triées. Il devient alors plus aisé de mettre de l'ordre dans son propre brouhaha spirituel.

Yaksa


Parce que la démarche artistique, ce n'est pas seulement de la création pure. L'idée ne vient pas toute seule, comme ça, ça tombe pas du ciel. Il faut pouvoir laisser son esprit libre de divaguer, le laisser disponible et ouvert aux influences extérieures. 
C'est le brassage, le mélange et l'échange qui enrichissent l'oeuvre,qu'elle soit personnelle ou collective.


L'oeuvre avance, morceaux par morceaux. 
Petits bouts par petits bouts. La mer, la terre, le ciel, les animaux, les plantes, et le soleil, pour les nourrir, les faire grandir et s'épanouir. 
La création, dans une explosion de couleurs.




Interlude 1: Fruit of heaven

Un mercredi, Bowno nous a emmené Guillaume et moi, avec sa femme, a Segamat, sa ville natale.

C'est (paraît-il) le nom qu'on donne au durian en Malaisie. 
À vrai dire, l'odeur est assez étrange. Un vague parfum de melon et d'autres senteurs moins identifiables. 
Un fruit avec des gros piquants. À l'intérieur, une grosse noix crémeuse dissimulant une belle graine noire.


Pour le goût, c'est une autre histoire.
Toujours le melon au début, puis des saveurs moins habituelles, et très étranges, avec un deuxième effet kiss cool beaucoup moins agréable, se rapprochant de la vieille échalote en fin de vie. 
Deuxième effet qui dure à peu près toute l'après-midi d'ailleurs. 


Oui, à voir nos têtes on hésite entre le délectable et le détestable !!!
Encore, on a eu la chance d'en goûter un bien frais, avec une odeur et un goût pas trop prononcés. 
Je dois d'ailleurs remercier Guillaume de s'être un peu forcer à m'aider, parce que ça peut vite devenir écœurant, et j'aurais jamais pu le manger toute seule!

Cette dégustation était complètement improvisée, un durian acheté en bord de route, une petite réunion sur le quai de la gare de Segamat, quelques malais autour de nous pour voir la réaction des massaleh à ce symbole national. 


Pour digérer tout ça, Bowno nous a emmené aux waterfall.
Arrivés en fin d'après-midi, la plupart des gens étaient sur le départ et on a pu profiter d'un bassin pour nous seuls, juste aux pieds d'une des chutes. 
C'était très agréable de profiter d'une eau vive et bien fraîche!





J'ai pris le relais de Yaksa sur le soleil. On voyait bien que ça lui portait peine depuis un bout de temps. C'est vrai que c'est un travail de longue haleine, un peu fastidieux. 
Éric m'a bien aidé au début, mais il avait d'autres chat(te)s à fouetter à ce moment là.
Alors je m'y suis mise toute seule, comme une grande, sous la bienveillante supervision de Bowno. Il m'a encouragée, et c'est tout ce dont j'avais besoin.


On avance tranquillement. La plupart des panneaux sont déjà terminés, on comble le fond et on prépare les finitions.




Bowno en plein apprentissage de "aux Champs-Elysées", entre concentration, application et scepticisme. 
Du coup le lendemain on est passé à "Petite Marie" (apparemment je l'ai pas encore assez entendue, et puis à la guitare Cabrel ça passe bien quand même).



Interlude 2: Love everywhere

Un mercredi soir, on s'est entassés dans la voiture de Yaksa; Yaksa, sa femme, les deux gamines, Bowno, sa femme, et moi.
On est allé manger des Roti John et du poulet grillé, et digérer à la plage.
Une soirée simple, familiale, sans chi-chis.


On a dessiné sur le sable des flowers, des stars, et des love, everywhere.



C’était un moment privilégié. Un moment d’intimité qu'on a trop rarement l'occasion de vivre en voyage.




Ça sent la fin.
On pose le joint sur les panneaux, et je suis en train de terminer ma masterpiece.



Cette oeuvre, c'est la notre.
La leur, la mienne. Nous avons tous participé au même dess(e)in.

Ils m'ont aidé, chacun à leur manière, à recoller les morceaux, à me reconstruire, à m'épanouir.
Ils m'ont redonné le sourire. 
Yaksa, sa famille, Bowno, sa femme, Eric,

et Guillaume.
Merci